Le réseau des adoptés

L'adoption, une identité spoliée ?

L'adoption : Faire le bonheur d'un enfant abandonné et celui de gens en recherche d'affection?  Réussir à établir un lien affectif entre le couple et cet étranger dont on ignore presque tout, n'est sûrement pas chose facile. Un rêve bien souvent idyllique qui peut quelquefois se transformer en véritable cauchemar dans le cas d'une mauvaise préparation. Rarement mais probablement : trop de mensonge, trop de mystère, trop d'inconnu, trop de silence planent avec résistance au dessus de certaines de ces rencontres planifiées par souci de simuler un naturel improbable. Il arrive même que des énormités visuelles viennent trahir les cachoteries invraisemblables. Inexorablement, la recherche de la vérité viendra tôt ou tard et elle sera plus difficile à digérer car la dissimulation des indices s'avère fréquemment précaire.

Tant d'espoir mal géré est en même temps compréhensible, car comment pourrait-on condamner des sentiments profonds émanant de réelles bonnes intentions à l'adresse d'innocentes victimes dans la détresse. La recherche de l'équilibre d'un couple cherchant à améliorer son bonheur par l'arrivée d'un enfant qui complètera l'histoire d'une union que l'on voudrait encore plus harmonieuse coule de sens. Après tout, quand deux être s'aiment, quoi de plus naturel que celui de vouloir réaliser ce qui apparait pour beaucoup d'amoureux du monde l'aboutissement d'un idéal familial ? Je doute que la simple raison d'accomplir un geste humanitaire soit la seule motivation qui pourrait animer la plupart des candidats à l'adoption pour entamer une telle démarche. Avouez que dans ce cas le drame serait presque prévisible, vous l'admettrez !

A mon avis, le vrai désir d'enfant me semble plus indiqué pour se lancer dans une telle bataille socio-juridique : aussi difficile que complexe. Il faut malheureusement se rendre à l'évidence ! Nous ne sommes pas tous égaux devant dame nature face à notre capacité de procréer. Certains sont obligés de faire appel à des solutions moins romanesques que celle de l'accouplement pour élargir la famille à moins qu'au-delà du besoin naturel d'enfant se cacherait une aspiration philanthropique profonde qui amènerait ce couple à choisir de façon réfléchie l'adoption plutôt que la voie héréditaire. Je n'ai rien contre bien entendu, mais je dois dire que cette solution il me semble, n'est jamais un acte banal et comporte bien des inquiétudes. La question de la psychologie identitaire face à l'environnement familial et social des adoptants et des adoptés doit être méticuleusement évaluée afin d'éviter de terribles souffrances morales futures, causées plus souvent par l'entourage que dans le cercle familial immédiat. C'est le cas de ces parents tous les deux Blancs de peau qui ont adoptés en plénière la petite Claudine, et que leur silence sur la question de sa différence va générer un peu plus tard une crise identitaire quasi insurmontable à cause des questions indiscrètes un peu abruptes que lui posera l'extérieur : «Pourquoi tes deux parents sont blancs et que toi tu ne l'est pas»?  Elle aurait bien voulu répondre : «eh bien tout simplement parce que ce ne sont pas mes vrais parents ! Je suis une petite fille colorée adoptée par deux parents blancs tout simplement et alors où est le mal ? Eh bien elle n'a pas répondu la petite Claudine tout simplement parce que malgré son âge tendre, elle savait qu'elle risquerait de peiner ces braves gens qui l'avaient accueillie chaleureusement comme si elle était réellement leur véritable fille. Il est probable que ces curieux indélicats auraient été satisfaits de cette réponse, mais elle avait autant de mal à comprendre pourquoi elle était tellement différente de ses parents au point de soulever ces interrogations. Dans ces grands moments de solitude, c'est tout un débat qu'il aurait fallu engager en amont afin de clarifier les choses et éviter la surprise. Si le constat d'une dissemblance flagrante fut assez facile à relever, s'attarder sur l'explication logique de ce fait marquant aurait été certainement plus inopportun. Bref la question de l'identité me paraît d'une grande nécessité. Si peu de gens osent en parler sans réserve, une grande majorité préfère garder le silence de peur de ne choquer les sensibilités. Dans la plupart des cas, c'est sur l'enfant que va se reporter tout le poids de la souffrance morale. Il subira en silence railleries, quolibets, moqueries ou interrogations humiliantes dans une douleur psychologique profonde sans même pouvoir trouver un allier conscient de l'enfer qu'il vit. . Le risque d'un traumatisme sur plusieurs générations n'est alors pas à écarter. J'imagine que lorsque vous avez des parents qui vous ressemblent, il semblerait assez facile de leur expliquer que vous souffrez par exemple à cause d'une insulte raciste qui vous parait insupportable, parce que vous supposerez qu'ils ont sûrement vécu le même calvaire que vous durant leur enfance. Difficile en revanche de faire passer ce genre d'émotion parmi des gens qui n'ont pas vécu cette d'agression dans leur chair. Quand on est un enfant, on aurait plutôt tendance à penser et peut-être à tort que ces parents là prendront systématiquement la défense des gens qui leur ressemblent. Voilà pourquoi il serait à mon avis utile de ne pas enlever complètement son identité à l'enfant adopté quel qu'il soit. Le malaise des parents qui ne peuvent procréer ne doit absolument pas se répercuter sur l'enfant accueilli. La vérité sur l'origine ne doit absolument pas subir de corrective. Il est fréquent d'entendre autour de soi en présence d'une naissance quelques individus s'acharnant à vouloir déterminer absolument la ressemblance du nouveau né avec un de ses parents. Ce réflexe est désormais tellement ancré dans l'habitude  qu'il est devenu populaire. L'enfant lui-même d'ailleurs s'en empare très rapidement afin d'effectuer à sa guise des rapprochements beaucoup plus pertinents. Je suis prête à parier que les enfants adoptés disposant assez tôt de toutes les informations liées à leur identité d'origine sont sûrement ceux qui se portent mieux face à l'histoire familiale. Savoir d'où on vient avec des éléments cohérents de notre existence et ceux qui nous entourent me semble incontournable pour l'équilibre. Imaginez un adulte qui ne saurait pas qu'il aurait été adopté et qui se mette un beau jour à explorer la généalogie familiale et apprenne maladroitement par un tiers qu'il n'a pas vraiment de lien sanguin avec sa famille ? Imaginez une minute le désastre psychologique que cela éveillerait dans son esprit ! En toute honnêteté je dirai pour conclure que la décision d'adopter est certainement une solution qui doit être mûrement réfléchie car la vérité sur l'origine de l'enfant ne doit jamais faire l'objet d'un secret d'Etat, bien au contraire. Il doit être évoqué le plus tôt possible : c'est-à-dire dès les premières questions de l'enfant ? Plus l'enfant présente des caractéristiques différentes entre ses parents adoptifs et lui-même, et plus le dialogue doit s'imposer suffisamment tôt afin qu'il comprenne rapidement les raisons de sa dissemblance entre lui et les autres membres de sa famille. Vous comprendrez qu'à l'extérieur les successifs curieux ou agresseurs ne s'attarderont pas à ménager les susceptibilités et que le choc risque d'être encore plus violent.

Danièle LONY

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16/05/2010
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